Peacock et Aimaras au pays de Mowgli
08 Novembre 2022. Cette date représente pour moi le début de l’accomplissement d’un voyage et celui d’un rêve. Cette notion de rêve reste subjective et propre à chacun : ainsi pour une partie de mon entourage, passer des vacances en milieu hostile peut faire peur et relève de la folie.
Personnellement, il a été facile de déterminer le séjour qui correspond à mes aspirations profondes puisque cette idée me trottait dans la tête depuis bien des années. Après plus de 19 heures d’avion, des heures de camion sur des pistes défoncées, du bateau sous une chaleur écrasante, nous voilà enfin arrivés dans la tribu des Quilombolas, au cœur de la jungle brésilienne.
Tout ce chemin parcouru pour gouter à une expérience unique, tant d’un point de vue humaine qu’halieutique. Même s’il est difficile de vous décrire en quelques lignes la magie de ce que nous avons vécu, je vais tenter ici de vous partager un brin de ce petit moment de vie.
Toute belle histoire nécessite un beau décor. Vous connaissez le livre de la jungle ?
Les paysages y sont semblables, mais encore plus colorés : une forêt luxuriante où s’entremêlent lianes et palmiers, terrain de jeu favori pour les singes et autres paresseux, des fleurs étincelantes, le ciel illuminé par le vol des perroquets Aras aux plumages flamboyants ; au sol, à l’affût, bien camouflés, jaguars, mygales et autres serpents viennent déranger cette apparente quiétude.
Dans l’eau, le danger est aussi omniprésent : caïmans, candirus, aimaras, anguilles électriques et autres raies au dard empoisonné nous invitent à ne pas pénétrer dans les flots sans l’aval de nos guides indiens, dotés d’un 6ème sens bluffant que nous, citadins, avons presque perdu !
Cette rivière, Le Rio Trombetas, un affluant du fleuve Amazone, est des plus sauvages : son cours est fréquemment soumis à de gros rapides ainsi qu’à de nombreuses cascades et barrières de rochers. Et c’est justement derrière ces blocs rocheux, à l’abri des forts courants, que se postent Peacock et Aimaras.
La pêche se fait en mode « power-fishing » : tandis que notre guide positionne le bateau en aval de ces pierres, nous propulsions nos appâts au plus proche des cailloux. Pêcher en leurre souple sous cette latitude est une hérésie. Je l’ai naturellement tenté : mon Blaster Shad est automatiquement réduit à l’état de néant lors de chaque touche, mais a néanmoins permis de sortir quelques Aimaras !
Les leurres durs sont donc de mise (poppers, stickbaits, spinners, jerkbaits) pour affronter ces combattants hors pair. La puissance de ces poissons au bout de la ligne est difficilement descriptible : il m’a été donné de gouter lors de mon séjour aux plus gros combats de ma vie de pêcheur (en ayant auparavant déjà bien sillonné la planète)
Quel que soit le leurre utilisé, l’armement doit impérativement être changé, desfois en vain puisque ces bestioles ouvrent (et ferment) régulièrement mes hameçons ST66, pourtant réputés pour leur solidité.
D’autres poissons viennent fréquemment jouer les troubles fête lors de ces pêches, notamment les piranhas, qui pullulent dans ces eaux, et qui vous cisaillerons vos leurres avant tout le monde !
Les zones plus calmes de la rivière étaient le terrain de jeux des siluridés, notamment le magnifique Pirarara (poisson chat à queue rouge) et autres Piraibas, que nous pêchions au posé au poisson mort. Enfin les bouillons et le plein jus étaient réservés aux Payaras et aux Pacus, une sorte de Piranha qui a du grandir sous stéroïdes tant la puissance qu’il développe est phénoménale !
Ce coin d’Amazonie nous a donné l’occasion de pratiquer une pêche active et dynamique en goutant à une 15aine d’espèces de poissons différents. Mais elle nous a aussi amené dans un monde dans lequel la nature est reine et où l’humain (du moins les indiens de cette forêt) la respecte et l’honore. Leur vie se calque sur ce qu’apporte la nature : je ne prélève que ce dont j’ai besoin, sans fioriture ni superflu, sans marque ni signe de richesse, à mille lieux de notre société occidentale de surconsommation qui nous fait croire aux caractères indispensables de possession et de l’apparence comme gages de réussite.
Je vous l’assure notre richesse n’est définitivement pas là. Ces personnes, à la vie simple (rude pour nous, conditionnés par notre système déshumanisant) sont heureuses, se lèvent chaque matin avec le soleil et prennent plaisir à vivre simplement dans cet élément primitif. Cette expérience de vie n’a que fait conforter mes pensées : nous sommes vraiment dans le faux et oublions chaque jour de plus en plus l’essentiel de nos valeurs, obnubilés par l’apparence, les gains et autres désirs de dominations…
Pourra-t-on encore vivre ce type d’expérience dans 10 ans ? Je n’en suis pas certain. Alors foncez ! Car à vivre dans les lendemains, on meurt les rêves entre les mains…